samedi 14 novembre 2009

Portishead: "Machine Gun" (2008, Third)


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On connait le processus classique au terme duquel une formation qui vient à percer subitement au niveau critique et commercial voit bien souvent sa démarche créative affectée pour se rapprocher inexorablement du consensus de l´époque. On peuit citer pêle-mêle les facteurs suivants: médiatisation, pression de la maison de disque, attentes d´un public devenu mainstream. Il faut à mon sens y ajouter ce confort matériel et psychologique, antidote absolu au processus créatif. Il y a ainsi dans l´histoire de la musique pléthore de formations qui, après avoir momentanément bouleversé les codes en vigueur, sont devenues des caricatures d´elles-mêmes, livrant des disques insipides et des discours formatés. Un peu de name dropping? U2, Depeche Mode, Metallica, Red Hot Chili Peppers, Paradise Lost, Tiamat, etc. la liste exhaustive serait hélas beaucoup trop longue.

Il n´est donc pas courant qu´un groupe se radicalise au fil des albums. Les exemples sont même extrêmement rares. On peut citer Radiohead livrant des albums quasi-expérimentaux comme "Kid A" puis "Amnesiac" après le succès mondial de "OK Computer". Ou bien Nirvana sortant "Incesticide" compilation poisseuse et déglinguée, immédiatement après l´Ouragan "NeverMind" dans le but de casser la hype et pouvoir se réinstaller dans un processus de création exigeant. On pourrait citer également Sonic Youth, Dream Theater, Killing Joke. Et Portishead.

J´avais bien aimé les deux premiers opus des anglais, sortis au milieu des années 90; ce mélange de classe et de fragilité, et aussi cette façon d´être à la fois très à la mode et d´en être complètement en dehors. En 2008, onze ans après leur second opus, Portishead livre "Third", album exigeant et particulièrement diffcicile à assimiler, même après un grand nombre d´écoutes.



Choisir "Machine Gun" comme premier single est en soi un vrai, grand et beau suicide commercial. De ceux qui instantanément vous coupent du grand public, c´est-à-dire du la frange du public la moins fidèle et la moins intéressée par la dimension intrinsèquement artistique de la musique. Car Machine Gun est un titre dérangeant à plus d´un titre. Si la structure du morceau est en réalité de facture classique (seul manquerait le refrain final après l´enchaînement couplet/refrain/couplet/refrain/bridge-solo), ce qui détone est que la mélodie, au lieu d´être naturellement portée par un clavier ou une guitare, est ici intégralement sous-traitée à une batterie électronique aux sonorités particulièrement effrayantes.

Indus, minimaliste, électro, martial jusque dans son titre, Machine Gun ne laisse ni indemne ni indifférent. Si Portishead est un groupe de rupture, Third est - jusqu´à nouvel ordre - son album le plus radical, et Machine Gun sa composition la plus jusqu´au-boutiste. On tient donc là l´épicentre absolu du phénomène.

Normal que ça secoue.


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